Le drone en complément du satellite

Depuis sept campagnes, EMC2 propose un conseil azoté en colza à partir de photos satellite. Au total, 3 200 ha en bénéficieront en 2015-2016. Parallèlement, la coopérative, qui est toujours à l'affût de nouvelles technologies, s'est intéressée aux possibilités offertes par les photos prises par drone.

« L'objectif n'est pas de remplacer totalement le satellite, dont la technologie permet aujourd'hui un coût de revient plus faible, mais de profiter de la complémentarité des deux », explique Aurélien Bourgeois, chef projet agriculture de précision, chez EMC2.

1. UN TEST AZOTE SUR UNE CAMPAGNE

La coopérative a testée la prestation « conseil azoté en colza » proposée par Airinov sur 240 ha de colza en 2013-2014. Le conseil comparé à celui issu de la pesée manuelle ayant été concluant, la prestation est proposée aux agriculteurs depuis la campagne 2014-2015.

« Nous ne le faisons pas encore sur le blé, que ce soit par satellite ou par drone, car nous avons constaté que le conseil issu de ces cartes n'était pas assez pertinent sur nos terres souvent carencées en un élément minéral. Les décolorations qui s'en suivent sont interprétées par les photos aériennes comme un manque d'azote. »

2. PRÉPARATION DU VOL

EMC2 passe les commandes de vol en septembre-octobre sur l'outil cartographique de Smag (1) en dessinant les contours des parcelles concernées. Smag les transfère à Airinov qui demande les autorisations de vol plusieurs jours avant l'opération. « Le drone est interdit autour de la base aérienne de Saint-Dizier, de l'ancienne base de Chaumont et de la centrale nucléaire, d'où l'intérêt de garder la prestation par satellite pour les agriculteurs des zones concernées. »

Un premier vol a lieu entre la mi-novembre et la mi-décembre, suivi d'un second en sortie d'hiver pour évaluer la perte de feuilles pendant cette saison. Un agridroniste (opérateur de vol) est envoyé par Airinov sur chaque zone concernée. La veille du vol, le technicien et l'agriculteur sont prévenus par SMS de l'heure de son passage. « Leur présence n'est pas obligatoire mais les agriculteurs aiment bien voir », souligne Aurélien Bourgeois.

Le drone peut voler jusqu'à 75 m d'altitude, les photos ont une précision de l'ordre de 15 cm comme pour le satellite, ce qui est suffisant pour la prestation azote. Pour des raisons d'autonomie, il ne peut couvrir plus de 80 ha par vol, le tout en 30 min.

3. LIVRAISON DES CARTES AZOTE EN FÉVRIER

Airinov génère une carte de biomasse à partir des photos qu'il transforme ensuite en carte de modulation de l'azote livrée à EMC2 début février. « Deux solutions sont proposées : un calcul de la dose moyenne avec un zonage simplifié de la parcelle pour une modulation manuelle de l'azote, ou une carte de modulation précise à insérer dans le boîtier du pulvérisateur ou de l'épandeur d'engrais équipé pour la modulation automatique. » Le coût de la prestation revient de 15 €/ha (contre 10 €/ha pour le satellite). Chaque conseiller a fait le choix de ne proposer qu'une des deux prestations (satellite ou drone) sur sa zone en fonction de la typologie des agriculteurs (certains sont très intéressés par les nouveautés, d'autres moins), des contraintes de la zone (proximité de l'armée, centrale nucléaire)...

4. ESTIMER DES DÉGÂTS SUR LES CULTURES

Au printemps 2015, deux autres services ont été testés. Le premier est l'estimation de dégâts sur les cultures avant récolte avec une précision de 30 cm (accident climatique, dégâts d'animaux, problèmes de levée...), une prestation jamais proposée avec le satellite pour l'instant. La cartographie sert de support à l'expert lors de son rendez-vous avec l'agriculteur. Ce service a été lancé avant la récolte 2015 pour le maïs et le tournesol. 40 ha de tournesol ont ainsi été survolés pour un repérage mi-septembre et un rendu des documents quatre jours plus tard. Coût du service : 7 €/ha pour le repérage des dégâts et 10 €/ha pour la mesure précise de la surface touchée.

5. MODULER LE DÉSHERBAGE

Autre service encore en test : la modulation automatique du désherbage des cultures telles que la betterave, pommes de terre, maïs, tournesol. Une précision de 3 cm est ici nécessaire, ce que ne peut pas réaliser un satellite. « Nous obtenons une carte avec les taches d'adventices dont nous avons vérifié la pertinence sur le terrain. » Celle-ci est ensuite traduite en carte de modulation automatique. L'agriculteur ne traite alors que les taches d'adventices. « Dans certains cas, nous avons pu atteindre 77 % d'économie d'herbicide, se félicite Aurélien Bourgeois. Mais pour l'instant, la carte ne nous dit pas quelles sont les adventices présentes, donc l'oeil du technicien est toujours nécessaire pour conseiller le bon herbicide. »

Ce service a été très apprécié par les agriculteurs qui l'ont testé, notamment pour réduire l'IFT dans le cadre d'Ecophyto. Pas encore commercialisé par Airinov, il sera à nouveau testé en 2016 auprès d'un plus grand nombre d'agriculteurs qui peuvent moduler automatiquement.

Chantal Urvoy

(1) Société éditrice de logiciels agricoles (ex-Maferme).